Conseil en innovation stratégique

Stragédies

Chez Kea Tilt (filiale prospective et innovation du groupe Kea depuis 10 ans), nous aimons bien inventer des néologismes. Voici notre dernier : ‘’Stragédies’’ 

Autrement dit, dans ce monde ‘’VFR’’ (VUCA for Real), cela devient difficile de définir une stratégie qui soit valable plus de 10mn. Nous ne savons absolument pas quel sera l’impact économique de cette crise tout simplement car on ignore son évolution. Mais également qu’on n’a pas de vision précise de cet immense défi que nos sociétés vont devoir affronter. Tragédies pour les stratèges 😊

Il est à ce sujet, étonnant que les stratégies ne soient pas analysées a posteriori. Et le drame de la stratégie est dû au fait qu’on oublie vite les leçons du passé. Et encore plus vite dans une période chamboulée comme celle du covid. En particulier celles qui ont été des échecs, dans le fond, dans leur application, leur déploiement et leur résultat. Or un échec, comme vous le savez surement, n’est jamais un ratage à 100%. Il y a des pépites à réexploiter. Or, bizarrement, en France en particulier, un échec, c’est un échec, point barre, n’en parlons plus et passons à autre chose… qui marche, si possible.

Et si on adoptait une autre posture, celle que nous appelons la posture du ‘’business as unusual’’ ? En voici quelques premières clés.

Business as unusual #1 : Poser un nouveau regard sur les stragédies et les échecs. Nous serions curieux de savoir combien d’entre vous (ou combien d’entreprises) font cet exercice d’analyse a posteriori. Et sur 10 ans par exemple, le nombre de stratégies qui ont failli. Avec le recul, les raisons rationnelles et émotionnelles de ces stragédies (voir #4 ci-dessous). Vous imaginez bien le temps, l’énergie, l’investissement qui y ont été consacrés. Confiez-nous cet exercice de diagnostic œil neuf. Nous vous garantissons qu’il en sortira un rebond, amplement au-delà de nos (modestes) émoluments.

Business as unusual #2 : Inventer le futur, en évitant les stragédies, c’est faire comme Janus, regarder le passé, pour s’appuyer dessus et définir une vision stratégique pertinente et différenciante, non changeable toutes les 10 minutes. Laquelle tiendra compte de vos racines, de votre culture, de l’analyse des études non exploitées qui remplissent vos placards, le tout croisé avec nos datas et observatoires de tendances en matière de prospective. Puis qui sera incarnée dans des ‘’preuves héros’’ concrètes, tant internes que destinées à vos clients et fournisseurs.  Objectif : éviter le syndrome ‘’BBB’’ (Better But Boring), qui frappe souvent encore les entreprises à forte culture ingénieurs (respect).

Business as unusual #3 : Arrêtons de parler d’innovation ‘’de rupture’’, pur fantasme, trop limité à la technologie, et déjà compliqué à atteindre quand tout va bien, mais encore plus ‘’stragédique’ dans un contexte incertain où les soi-disant règles d’un système ou d’un marché ne fonctionnent plus. Pour info, Nespresso a mis plus de 10 ans à adopter les bonnes modalités ; Dyson a développé près de 9.000 prototypes ratés avant de réussir son aspirateur sans sac, Perle de Lait de Yoplait a d’abord été 2 échecs successifs (erreur de positionnement et de cible, car la recette est la même qu’au début…)

Business as unusual #4 : Passons plus de temps à décortiquer les biais cognitifs liés au sujet ou au projet qui vous engage. Et qui ne sont pas faits que de techniques. Ils reposent d’abord sur des humains (membres de comex, directeurs d’usine, acheteurs, ouvriers, responsables qualité, RH…). Or qui dit humain dit psychologie : ces personnes dont l’action commune est d’aboutir au résultat attendu de votre vision stratégique, sont sujettes à des biais cognitifs. Notion introduite dans les années 70 par le Nobel d’économie Daniel Kahneman qui a démontré que face aux informations d’une réalité donnée, nous sommes soumis à des déviations systématiques de la pensée rationnelle : informations contradictoires voire paradoxales, tendance à accorder plus de poids aux informations qui confirment nos idées, illusion du contrôle, biais de l’autruche (qui consiste à éviter les informations perçues comme négatives)… ‘’.. Got to test the evidence’’ comme disait le groupe Faith No More. Pour éviter que le scénario de votre futur ne soit une stragédie vaine (une ‘’prospectuile’’, beau rebond de David d’Unknowns sur la notion de stragédies), prenez davantage en considération ces biais, à la fois chez vos clients qu’en interne. Et conservez quelque temps différents scénarios très différents, avant de sélectionner the best one.

Business as unusual #5 : Ne pas confondre ‘’nous faisons un métier sérieux’’ avec ‘’se prendre au sérieux’’. Vu de la Lune, et selon Molière, le rire, la joie sont aussi sérieux que la tragédie. Il suffit aussi de lire Shakespeare pour se rendre compte que les comédies sont aussi puissantes que les stragédies, qu’elles parlent aussi de la transformation de l’homme et de la société. Ouvrez Différence et Répétition de Deleuze, et vous verrez ce qu’il dit des capacités inouïes et encore insoupçonnées de notre faculté de raisonnement à produire du sens, des valeurs, des savoirs. Le tout dans une folle gaîté. Lors de la définition de votre plan stratégique, vous demandez-vous en quoi il transforme à la fois vos clients mais aussi vos collaborateurs ? Apporte t’il de la jubilation, de l’enthousiasme ? Si non, cela signifie qu’il manque de Tilt Touch.

En conclusion, Tilt ideas vous propose que vous nous confiez un échec en nous demandant de vous aider à rebondir. C’est cela aussi l’Innovation for Good as Unusual.Avantages du business as unusual : 1/ amortissement des temps, coûts et énergies dépensées dans le passé, 2/ renforcement de la fierté.

Pour éviter ces ‘’stragédies’’, reportez-vous également à notre article Innovation for Good où nous évoquions l’importance de simplifier les process, les offres, pour les rendre plus lisibles et compréhensibles.

Brice Auckenthaler, co-fondateur et associé