Conseil en innovation stratégique

Le scénario planning pour anticiper la cible mouvante qu’est l’avenir

Innovation for Good (News) #44

« … Un jour j’habiterai en théorie, parce qu’en théorie tout se passe bien… » proverbe Tiltien 2020

« … Le savoir est temporaire… » Didier Raoult

Parmi les 60 dirigeants que nous avons interrogés pendant la crise du covid-19 dans le cadre de notre démarche prospective post Covid-19 NeoXygen, une grande majorité reconnaît avec humilité avoir été totalement pris de court par manque d’anticipation. Des cellules de crise avaient pourtant été régulièrement mises en place… mais pas sur les bonnes focales.

La cause ? Très certainement l’absence de prospective et de son corollaire : des scénarios élaborés, du plus ‘rose’’ au plus ‘noir’. Avec pour chacun les impacts court et moyen terme.

La méthode des scénarios est née en 1972, à l’initiative de Shell, inventée par l’excentrique Pierre Wack, chef du bureau londonien de planification. Il explique que le but de la méthode n’est pas de prédire l’avenir mais de ‘’penser l’impensable’’. Autrement dit de ‘’changer l’image du monde dans la tête des dirigeants afin de les aider à anticiper…’’.

D’après Tilt ideas, qui la pratique dans le cadre de son expertise de prospective avec sa méthode dite « pétage de plombs », la technique permet non seulement d’anticiper, de se préparer, mais surtout d’envisager le champs des (im)possibles. Et, par conséquent, de mieux  réagir dans un environnement brutalement transformé.

En creux, elle permet ainsi – via le design de différents univers de fiction (appelons cela des ‘’paris’’ ou des ‘’probabilités subjectives’’) – d’empêcher la peur de s’étendre aux dirigeants comme aux populations, comme lors de cette crise du Covid-19, où, jamais depuis 1945, aucun exécutif dans le monde n’a dû affronter une situation aussi inopinée et opaque.

C’est à la faveur de chocs successifs (tels que l’attentat dans le métro de Tokyo en 1995, ou les lettres à anthrax envoyées au Congrès américain en 2001) que la fabrique des scénarios a été largement adoptée par les administrations des Etats. Par exemple, l’opération Dark Winter, en 2001, jeu de rôle qui simulait une attaque de variole aux Etats-Unis.

Notre expérience pointe trois enjeux à ne pas sous-estimer dans l’exercice :

1/  aucun scénario n’incarne la « vérité ». Elle se situerait davantage à la croisée de plusieurs scénarios (appelons cela ‘’le Meilleur des Mondes’’)

2/ ne pas entériner trop rapidement un scénario, mais plutôt jouer durablement avec plusieurs d’entre eux, de façon à pouvoir rebondir de l’un à l’autre si besoin

3/ être vigilant : l’humain que nous sommes a souvent tendance à se raccrocher à un scénario dont il connaît le déroulement. Or, l’alea est de rigueur dans notre époque VUCA.

Les scénarios, ce n’est donc pas du doigt mouillé. Cela se prépare, s’appuie sur des faits et des exemple inspirants, une veille de tendances et de signaux faibles permanente (façon Netflix et son art du flux ininterrompu), et le croisement de différents regards d’experts complémentaires. C’est ainsi que Tilt ideas et Arengi avaient concocté l’étude prospective Risc2030 en 2018.

A titre d’illustration, en sortie de crise, un des scénarios que nous avons identifié est ‘’En résilience surveillée’’. C’est un scénario opposé à celui décrit dans un de nos précédents posts traitant de la transparence (« Tabula Rasa vs Swoosh »). Dans une société de défiance généralisée, où le brandgoodwill a été remplacé par le datagoodwill, c’est un scénario gris, prescient dans le sens où il prédit une société de surveillance absolue. A l’instar de 1984 d’Orwell.

Gris, parce qu’il y plus ‘noir’ : voir la Chine qui a installé 200 millions de caméras de reconnaissance faciale et instauré un système de points sociaux pour établir un classement de ses citoyens en fonction de son attitude sociale (Black Mirrors for real…). Ou encore, la Corée du Nord où l’ensemble des habitants seront équipés de bracelets électroniques d’ici 2030. Le moindre des clicks y est contrôlé.

Mais là où Orwell s’est trompé de notre point de vue, c’est que cette société de surveillance ne nous a pas été imposée de façon coercitive par un Big Brother. C’est nous qui l’avons embrassée à travers le numérique. Et dans des Etats libéraux que sont le Japon ou la Corée du Sud, personne ne se rebelle contre la frénétique collecte d’informations des autorités.

Plutôt qu’une ‘imposition’, cette surveillance est une ‘séduction’. Ce n’est pas une logique orwellienne, c’est une servitude volontaire, que le confinement a exacerbée. Dans ce scénario, la solution tentante consiste à ce que nous contrôlions nous-mêmes la commercialisation de nos datas personnelles.

L’alternative, utopique certes, serait de transformer les médias sociaux, les infrastructures numériques et leur gouvernance, en associations non marchandes, c’est-à-dire en biens communs offrant plus de liberté et de ‘pouvoir’ aux citoyens que ne le feraient les Etats, les marchés ou les entreprises. En clair, la prospective avec la méthode des scénarios, sert à rendre l’horizon du futur déchiffrable.

For Good ? Oui, quand la prospective est un processus holacratique et participatif, qui implique les collaborateurs et n’est pas ‘’imposée’’ par un Comex. Cela en facilite tout bêtement l’appropriation et surtout la mobilisation. Et cela s’inscrit dans le cadre de nouvelles façons de manager des équipes en sortie de crise et en lien avec cette fameuse ‘raison d’être’ dont beaucoup se gargarisent sans passer réellement à l’action.

Vous voulez jouer ? Call Tilt ideas.

Brice Auckenthaler, co-founder associé