Conseil en innovation stratégique

Paradoxes

Grand groupe de canards en caoutchouc jaune, avec un canard en caoutchouc violet contrasté différent parmi le groupe, se dét écartant de la foule. - Photo

Dans ce post, un peu de plus de poésie que d’habitude (utile dans un monde de brutes ?), pour évoquer un thème qui nous est cher depuis… 20 ans : les paradoxes (Paradoxes fut le nom de la première newsletter de Tilt).

Ce numéro de BAU va donc évoquer un certain nombre de paradoxes liés à 2 métaphores que j’exprime en conférence (Marketing Week le 17 mai, CCI le 7 juin…) : les 4i et les 4P.

Les 4i, c’est un résumé du contexte dans lequel nous sommes : Incertitude qui génère de l’Inquiétude et donc de l’Instabilité, ce qui mène à (là vous avez un choix) soit de l’Immobilisme, soit de l’Innovation.

Les 4P est une caractéristique qui nous résume : Paradoxaux, Pluri-masqués, Paranoïaques mais toutefois Poreux aux initiatives des marques (à partir du moment où elles sont évidemment cohérentes avec leur raison d’être).

Donc aujourd’hui 6 citations de poètes sur lesquelles je rebondis pour vous aider à faire du business as unusual, qui tient compte de ces métaphores.

Pour ceux qui ont raté le début de la saga Business As Unusual initiée début 2022, vous avez aujourd’hui les 19ème , 20ème , 21ème , 22ème,  23ème et 24ème BAU. (Ah tiens, au fait, BAU, c’est à la fois Business As Unusual et mes initiales Brice AUckenthaler. La vie est belle !)

(N’hésitez pas à compléter, votre entreprise et votre fonction sont certainement aussi pleines de paradoxes 😊)

1/ Paul Valéry : « Une chose réussie est une transformation d’une chose manquée. Donc une chose manquée n’est manquée que par abandon… ». Paradoxalement, l’innovation a souvent plus d’impact et est plus facile à initier en interne dans un contexte … de crise. C’est ainsi que, face aux désespérances (d’un marché, d’un contexte interne ou externe…), nous pouvons ériger des réponses créatives.

A l’inverse, toujours paradoxal, quand tout va bien, c’est plus compliqué d’initier une démarche d’innovation, laquelle va forcément challenger les habitudes, les façons de faire, l’existant… avec le risque que cela ne marche pas. Exemple avec la maintenance, qui se caractérise par un paradoxe : elle est à la fois indispensable et trop souvent négligée, alors que l’on pourrait y innover. Vous voulez en savoir plus ? Lisez « The Innovation Delusion » de Mr Vinsel et Russel.

2/ Philip Glass, immortalisé par les caméras de la radio publique américaine NPR, assenait que “… c’est dans les pires moments que les arts se portent le mieux…’’. Une célèbre étude menée à Chicago en 2021 prouve que nous passons 12% de notre temps à penser au futur et seulement 4% au passé. Mais, paradoxe, dans ces 12%, 80% des pensées concernent ce qui va se passer le jour même où le lendemain.

Aurions-nous un marshmallow brain ? Ou alors, l’idée de temps long commencerait à faire son nid en Occident, mais pas au point (pour l’instant) de changer notre culture.

3/ William Burroughs : ‘’… when you cut into the present, the future leaks out…’’ (quand on découpe le présent, le futur s’échappe). Une profession de foi que nous aimons bien chez KéaTilt car elle concerne indirectement une de nos expertises : la prospective. Pour sortir de la logique court-termiste à l’œuvre dans leurs modèles démocratiques et politiques, de nombreux pays se sont dotés d’institutions explicitement dédiées à la protection des générations futures. Paradoxalement, la France n’en fait pas partie. A quand un Ministère du Futur chez nous ?

En matière de business, un des paradoxes occidentaux réside dans le fait que nous confondons ‘’métier’’ et ‘’raison d’être’’. Alors qu’en Asie en particulier une entreprise peut avoir 5 à 8 métiers qui n’ont rien à voir. Exemple : Kakao (capitalisation boursière de 91,1 milliards $ derrière Samsung (198 milliards $), SK (175,4 milliards $), LG (128,6 milliards $) et Hyundai Motor (121,7 milliards $) est présent dans presque tous les secteurs verticaux de l’internet et des médias en Asie, avec plus de 250 millions d’utilisateurs répartis dans plus de 50 pays. Kakao est à la fois une banque, un service de paiement, une société de gaming, une société de divertissement, un groupe de mode, une plateforme de santé, de mobilité et de commerce. Le tout intégré dans une seule App, Kakao messenger. Paradoxe bluffant, non ?

4/ Enki Bilal repérée à l’expo « Aux frontières de l’humain » au Musée de l’Homme : « l’humain hybride, le transhumain, l’homme augmenté, tout cela constitue une garantie de réduction de notre futur… ».

On parle beaucoup de ‘’facteur humain’’ (le Covid-19 en a été un accélérateur), mais aujourd’hui nous vivons dans un monde techno où tout est (encore) une question de contrôle et de domination.

Nous n’irons pas très loin dans ce que j’ai appelé en 2020 la « bienviolence », mot valise résumant ce xème paradoxe.

Comment alors ne pas réduire notre futur ? En nous inspirant de Meta ? Au lendemain de Noël en 2021, Oculus, filiale du groupe Meta qui développe des casques et qui distribue des expériences de réalité virtuelle sur une market place dédiée, a été téléchargée plus de 2M de fois à travers le monde, la hissant en tête des applications les plus téléchargées aux États-Unis ce jour-là.  Et Mark Zuckerberg vient d’annoncer en avril 2022 au media The Verge avoir désormais un objectif : celui de remplacer nos smartphones par ses lunettes de réalité virtuelle. Pour ce faire, le PDG de Meta déploie une roadmap qui, dès 2024, devrait mettre sur le marché un nouveau périphérique au nom de code « Nazare », qui prendra la forme d’un casque de réalité virtuelle autonome, c’est-à-dire qui ne nécessitera pas la connexion à un smartphone pour fonctionner. Paradoxal ? Oui, une innovation s’appuie toujours sur une innovation précédente pour la détruire.

5/ Marcel Proust : ‘’… les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances’’. Paradoxe qui révèle que nous avons 2 cerveaux, et que celui du rationnel ne l’emporte pas sur celui de l’émotionnel (normal puisqu’un cerveau a la même puissance qu’une ampoule : 20 watts 😊).

Comment conjuguer profits et objectifs environnementaux et sociaux. Un paradoxe fondamental car si on en joue bien, il permettra de réenchanter (comme disait Max Weber).

Une solution : adopter une pratique iroquoise. Quand une décision importante court terme doit être prise, réfléchir à l’influence que celle-ci peut avoir sur les… 7 générations à venir ! En se projetant loin, les citoyens ou dirigeants peuvent se détacher de cette tendance à penser d’abord pour soi et se concentrer alors sur le bien-être de leur société (sociale et économique).

6/ Conclusion (par le même Paul Valéry) : ‘’Ce qui est le meilleur dans le nouveau est ce qui répond à un désir ancien…’’.

L’auteur de science-fiction Kim Stanley Robinson (« The ministry of the future », 2020) dit que c’est dans les périodes de crises et de flux intenses qu’on peut voir advenir et profiter des grands changements.

Exemple : la Shrinkflation, concept japonais (« shrink »= réduire, diminuer) de crise qui permet de garder le prix d’un produit en ne modifiant pas son emballage (modifier signifierait de dépenser de l’argent pour le faire) mais réduire la quantité du produit.

Kéa Tilt est à votre disposition pour partager les enseignements de deux de nos analyses prospectives : RISK2030 (avec notre partenaire Arengi) et France 2040 (présentée le 17 mai dernier à 60 dirigeants d’entreprises avec Kéa et Ylios), où nous avons testé 7 scénarios du futur auprès des Français. Résultat : un plébiscite partagé par tous des scénarios « Sobriété » et « Relance industrielle » comme scénarios les plus souhaitables d’ici 2040, et des regards concordants sur leur probabilité, avec la « Résilience » et la « Relance industrielle » qui ressortent comme les plus probables. Et d’après Bruno Bonnel (ancien député LREM chargé par le gouvernement de piloter le plan France 2030) interrogé sur ces scénarios, Un équilibre à trouver pour aller vers une forme de sobriété avec des investissements de moyen terme, tout en traitant l’urgence (notamment le pouvoir d’achat pour tous).

Brice Auckenthaler, associé, co-fondateur paradoxal