Conseil en innovation stratégique

Les paradoxes japonais

Paradokkusu, パラドックス

Nouvelle ère au Japon certes, mais traditions solidement ancrées car le Japon est le pays où les paradoxes s’élèvent au Levant. Jugez-en au travers de 6 d’entre eux :

1. La parité

Même s’il y a eu huit impératrices auparavant au Japon, les femmes de la famille régnante sont exclues des responsabilités et cantonnées à un rôle d’épouses modèles . Lors de la cérémonie d’intronisation du nouvel empereur Nahurito en mai 2019, seule Satsuki Katayama -unique femme du ministère de Shintô Abe- a été la première femme de l’histoire moderne à y assister.

2. Le numérique

Ce pays, longtemps synonyme d’innovation technologique, n’a pour l’instant que 2 licornes à son actif, dont Mercari, appli de vente d’occasion (11 millions d’acheteurs actifs, 50% d’entre eux ayant en moyenne 20 ans, évaluée aujourd’hui 4 milliards $).

3. La data

Lors du dernier Davos, le premier ministre du Japon l’a clamé haut et fort : « le moteur de la croissance n’est pas le pétrole mais les données numériques ». Même si le Japon n’a pour l’instant pas suivi la Chine en matière de contrôle de ces dites datas, comment en assurer la libre circulation en toute confiance (mot d’ordre japonais : « Data Free Flow with Trust ») et, surtout, la protection des droits des individus ?

4. La qualité de service

Tilt ideas vous a déjà parlé de l’omotenashi, autrement dit, la prise en considération de l’autre qui est culturellement inscrite dans les gènes des japonais. Et qui explique l’extraordinaire qualité de service au quotidien. Ce qui reste étonnant toutefois c’est qu’il encore assez peu de services à la personne, dans ce pays où la population des seniors est très importante.

5. Le commerce de proximité

Vous avez tous entendu parler des kombinis, petites surfaces de distribution ouvertes 24/7 (7 Eleven, Lawson, Family Mart…). Il y en a plus de 50.000 au Japon. Elles voient leur fréquentation récemment baisser au profit de chaînes de mini supermarchés frais traditionnel (ex : Seijo Ishii) proposant également quelques MDD et marques industrielles japonaises et internationales. Par ailleurs ces mêmes kombinis ont de plus en plus de mal à recruter de jeunes vendeurs rechignant aux horaires 24/7 imposés. Du coup, 7 Eleven teste 10 magasins ouverts uniquement aux horaires classiques. Le commerce japonais s’occidentaliserait-il ?

6. Le management

Nous avons tous une image du management assez vertical au Japon. Voici un contre-exemple avec Don Quixote, enseigne que Tilt ideas avait découvert il y a 15 ans et quasi culte au Japon. Imaginez un mélange de Dollar Tree (pour la profusion des offres alimentaires et non alimentaires, dont la moitié sont des fins de stocks que les fournisseurs fourguent), Aldi (pour les prix), Flying Tiger Copenhagen (pour les gadgets en tous genres), et Costco (pour les rayons verticaux et le chaos de l’ordonnancement), le tout ouvert 24/7, et vous obtenez cet ovni. Don Quixote (surnom Donki), fondée en 1978, est le 5ème plus important distributeur japonais (12,5 milliards$ de revenus, pas mal pour une chaîne qui ne vend rien sur internet et ne fait aucun marketing). Mais plus remarquable est la façon dont la chaîne est managée : en effet, ici, les chefs de rayon ont une autonomie totale pour décider de ce qu’ils souhaitent vendre ! Les directeurs de magasins ne contrôlent que le merchandising et les négociations avec les fournisseurs. En clair c’est l’holacratie chère à Zappos adaptée au pays du Soleil Levant.

‽ Et si Tilt ideas vous concoctait un trend tour là-bas pour voir en vrai ? Certes le Japon reste une planète différente du monde occidental, mais le pays est très inspirant dans ses pratiques.

Brice Auckenthaler, associé, envoyé spécial au Japon