Conseil en innovation stratégique

#Sociobang – Quand je serai grand, je resterai petit

Les « twee » sont cette génération de jeunes adultes qui, à 20 ou 30 ans, roulent en trottinette, se délectent de cupcakes arc-en-ciel, s’achètent des Lego et se reconnaissent dans les adultes-enfants portés à l’écran par Wes Anderson – bref, refusent de grandir en préférant se complaire dans la régression. Au Japon, le phénomène Kawai, du japonais « mignon », en est une manifestation. Ainsi, les présentatrices de télévision y changent leur élocution et leur timbre de voix pour faire plus « petites filles ». La mode des chats (de Choupette Lagerfeld aux campagnes Gemmyo, en passant par les avions Hello Kitty d’Eva Air) est, elle aussi, représentative des goûts twee. Elle ne demande pas de connaissances pour l’appréhender, elle ne dit rien, elle ne porte pas de message. Elle est fondamentalement kitsch, si l’on reprend la définition de Baudrillard qui le caractérise comme « une accumulation de signes pour une pauvreté de sens ». Elle est une pure sensation, celle du réflexe béat, de l’émerveillement naïf, du « Oh ! Trop mignon ! » instinctif. Cette sensation ouatée, douce, inoffensive, est un autre signe d’une régression dans le monde simple et joli de l’enfant, et encore plus du bébé, c’est-à-dire de cet être qui, par définition, ne participe pas vraiment à la réalité.

De fait, les twee sont une génération « qui ne peut qu’effleurer la vie, trop sensible pour se frotter à la BO du monde réel », qui vit « dans un monde sans frottement » et qui « ne souhaite rien tant que les grands événements de sa vie soient déjà derrière elles » (Jean-Laurent Cassely, journaliste), jugeant l’âge adulte sans intérêt et s’aveuglant elle-même (à coups de chatons et de paillettes) pour se dire que le réel n’a pas lieu.

Plus généralement encore, cette naïveté régressive, symbolique d’une envie de ne plus communiquer et de ne plus participer activement au réel, est symptomatique de la recherche d’un degré a minima de la conscience. Ainsi, David Le Breton, professeur en sociologie à l’Université de Strasbourg, a théorisé, dans son ouvrage « Disparaitre de soi, une tentation contemporaine », le concept de « blancheur », c’est-à-dire s’échapper de soi, cesser de vouloir contrôler son existence, se laisser couler, s’effacer face à l’obligation de s’individualiser », « pour ne pas […] courir le risque d’être impliqué, d’être touché par le monde ». Bref, déserter, par quelque moyen que ce soit : nostalgie, fuite imaginaire… N’est-ce pas le symptôme typique de sociétés qui vivent dans l’insécurité permanente ? Au Japon, les Kawai ne dansent-ils pas sur un volcan ?

‽ La génération « twee » aspire à se couler dans un univers cotonneux, infantile, solitaire, pour mieux lâcher prise. A quand des chatons dans vos campagnes de communication ?