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#Sociobang : Big Bang !! Défiance et Hypersécurité

Jamais la rubrique SocioBang de notre newsletter n’aura malheureusement aussi bien porté son nom.

Depuis les événements de janvier 2015, la France s’enfonce à l’insu de son plein gré dans un double effet Kiss cool paradoxal : la combinaison d’une défiance à l’égard des autorités politiques, contestées quoiqu’elles fassent, et d’une demande d’hypersécurité auprès de ces mêmes autorités. Or aucune société ne peut vivre dans cette tension désormais quasi permanente [il faut 6 à 9 mois pour retrouver une vie normale après un attentat d’après le sociologue Gérome Truc, auteur de  »Sidération, une sociologie des attentats » PUF janvier 2016].

La société française est dans un état d’inquiétude et de crispation aussi inédit que problématique. Le pendant de cette crispation est l’affermissement d’un sentiment de communauté, tiraillé néanmoins entre valeurs communes et différences internes [culturelles, religieuses, partisanes…]. Les gouvernants sont pris au piège en opposant systématiquement aux agressions une réponse sécuritaire : montrer qu’on a les choses en main, renforcer les contrôles de police, intensifier les frappes militaires à l’étranger… Le risque, c’est la banalisation de la parole du chef de l’Etat. Qui renforce alors la défiance. Et c’est  reparti, un cercle vicieux s’enclenche.

L’auteur des crimes de Nice n’a pas été « radicalisé très rapidement« . La radicalisation est un phénomène politique. Nous ne sommes pas devant un phénomène politique, mais devant une action  »réveillant tous les cinglés de la terre » [pour reprendre l’expression de Daniel Soulez Larivière, dans Hufftington Post du 22/07] qui, comme le disait Andy Warhol, ont envie de leur quart d’heure de gloire.

Face à ces cinglés, quelles solutions ? Une première est évoquée par Gilles Kepel – politologue français, spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain : « l’absolue nécessité de responsabiliser les citoyens, les familles (…). Si on ne parvient pas à renforcer la cohésion de la société, à mobiliser les familles aux côtés de l’école pour isoler l’idéologie terroriste, l’État, seul, restera impuissant » [in Figaro 18/7].  Pour lutter contre un terrorisme fabriqué au plan microsocial, malgré ses talents, ses moyens, son efficacité, aucune police ne peut être dans le microsocial [a fortiori quand celle dite de proximité et les éducateurs de rue ont été supprimés]. On ne peut pas mettre un policier derrière chaque délinquant virtuel. En revanche, il faut arriver à faire intégrer la norme dans l’esprit de chaque groupe social, association, école d’abord, famille… pour constituer le tissu qui va permettre de lutter contre ce fléau. Et permettre d’éradiquer cette délinquance plus encore qu’une police qui, en tant qu’organe répressif des déviants connus. fait ce qu’elle peut. Certaines sociétés comme la Nouvelle-Zélande ont parfaitement intégré cette régulation sociale par les citoyens. On y voit peu de policiers. Mais on sait que chaque citoyen, avec mesure et sagesse, est parvenu au terme d’un long travail culturel, à être un vecteur de l’ordre public sans ordre moral.

Le chef du gouvernement norvégien évoquait une deuxième solution lorsqu’il disait en 2011, quelques jours après le massacre d’Utoya [77 morts] : … » Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture, plus de tolérance… ». Cela ne veut pas dire qu’il faut arrêter de traquer ceux qui s’attaquent à des innocents. Cela veut dire qu’il s’agit de penser une France de demain qui s’inventera loin de la haine, loin des cacophonies partisanes. Une société consciente de son passé colonial comme des déséquilibres du monde, capable de remettre en cause aussi bien sa tolérance que son intolérance.

Plus de responsabilisation sociale et d’ouverture. Ce travail d’après nous doit commencer dès à présent. Et il s’apparente à un combat contre les préjugés et les vociférations numériques de tous bords qui fait le lit des cinglés…