Conseil en innovation stratégique

#Sociobang – Zoom sur l’appareil photo… jetable

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Lors de notre trend tour à Copenhague, nous avons repéré le retour de l’appareil photo jetable chez la génération Y. Si le signal est certes encore faible, il est assez étonnant pour qu’on s’y intéresse.

Cette réapparition du jetable s’inscrit essentiellement dans la rematérialisation de nos pratiques, à l’instar du renouveau du disque vinyle, qui a vu ses ventes progresser de 33% l’année dernière. A la concrétude de l’objet, le jetable ajoute en effet celle de l’humain : les photos obtenues ne sont pas très bien cadrées, encore moins retouchées, et peut-être même ratées. Au rationalisme des photos numériques parfaites, le jetable oppose donc l’approximation et le hasard, et fait l’aveu de sa non infaillibilité. Comme si, dans un quotidien désormais entièrement prévisible (contrôlable, géolocalisable, réservable…), l’imperfection ajoutait un peu de chaleur humaine et devenait même une condition au plaisir et à l’étonnement. La lenteur même du procédé semble participer de la satisfaction d’utiliser un appareil jetable : après avoir pris une photo, il faut déposer l’appareil chez un spécialiste et attendre qu’il la développe, autrement dit redécouvrir une temporalité que les plus jeunes n’ont pas connue, celle du temps qui passe. Par réaction à l’immédiateté généralisée, symbolisée par l’application Snapshat, le revival de l’appareil jetable traduit notre besoin de reprendre conscience du temps, au même titre, par exemple, que l’application 1 Hour Photo, lancée en juin, qui permet de prendre des photos et de les visionner… 60 minutes après.

En outre, l’appareil photo jetable se distingue par sa simplicité quasi archaïque : le crissement poussif de la mollette, l’impossibilité de zoomer et, encore moins, de faire un quelconque paramétrage. Plus jouet que prouesse technologique, il s’inscrit pleinement dans la vogue du rétro, et même dans une certaine régression infantile, symptomatiques de l’éternel retour au passé d’une époque couleur Instagram dont on se demande si elle a encore envie d’inventer du neuf. De plus, l’aspect résolument low tech des appareils jetables est une réaction à la professionnalisation de loisirs tels que la photo bien sûr, mais aussi la cuisine, la pâtisserie ou encore la course à pied. Le revival du jetable révèle la montée d’une mentalité « lagom », pour reprendre le terme suédois, c’est-à-dire d’une appétence pour le « juste suffisant », en l’occurrence un appareil photo réduit à sa fonctionnalité la plus basique, prendre des photos. On peut, à ce propos, le comparer à la dernière publicité d’Ikea qui, pour lancer son catalogue 2015, se moque du côté évidemment low tech de celui-ci en parodiant la communication Apple.

Par ses caractéristiques techniques, l’appareil photo jetable oblige, enfin, à ne pas diffuser ses clichés sur les réseaux sociaux : ceux-ci resteront dans une boîte, cachés du soleil et du regard de la foule des followers, revalorisant ainsi la vie privée et l’intimité. Le fait que l’appareil jetable ne permette que de prendre un nombre limité de photographies leur donne encore plus de valeur : elles sont plus rares, donc plus précieuses et peut-être même plus belles. En limitant le champ des possibles, la pellicule résout en effet l’un des problèmes majeurs de notre époque : l’insatisfaction née de l’infinitude de choix imaginables, décrite par le psychologue Barry Schwartz dans The paradox of Choice, Why more is less.

‽ Le revival de l’appareil jetable, a priori anecdotique, est porteur des tendances montantes les plus importantes d’aujourd’hui : le rematérialisation, la reprise de conscience du temps, la quête de simplicité, le goût de l’anonymat… Aussi, inspirez-vous des bons vieux Kodak pour que votre marque sache s’inscrire dans l’air du temps.