Conseil en innovation stratégique

Virilio & Keynes, le retour ?

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Innovation for good (News) #41

D’abord, relire Virilio en ces temps de (sortie de) guerre pas comme les autres. Méditer sur « Exit » (l’urbanisation dévastatrice décrite par l’urbaniste qu’il fut) ou sur « Vitesse » (et cette phrase : « quand on invente le TGV, on invente l’accident à grande vitesse… ») ou bien « Esthétique de la disparition « (où l’auteur s’interroge sur les perceptions inconscientes et les manipulations – fake news avant l’heure- et énonce cette phrase merveilleuse : « la fin du monde est un concept sans avenir »). Ou, enfin, se replonger dans « Bunker Archéologie » et son syndrome obsidional.

Qu’est-ce donc encore que ça ? Le syndrome obsidional est une psychose collective frappant une population assiégée (nous le fûmes, reclus par cet ennemi invisible). Par exemple, une couronne obsidionale est une couronne d’herbes que les Romains donnaient à celui qui avait fait lever le siège d’une ville (le professeur Raoult, c’est pas gagné qu’il l’obtienne…).

Puis croiser Virilio avec Keynes, théoricien des déséquilibres (le moins que l’on puisse dire c’est Covid-19 nous a tous un peu chamboulés). S’agira-t-il du Keynes de la relance de la demande après la crise de 1929 ou du Keynes du financement par l’impôt de l’effort de guerre en 1940 ?

Sa théorie de l’équilibre est construite sur des hypothèses de comportement pris isolément. C’est une démarche dite micro-économique qui a des mérites importants pour décrire et expliquer les mécanismes économiques en conditions d’évolution régulière. Mais hors de l’équilibre, et nous y sommes dans cette crise du Covid-19, la question se pose de la nécessaire mise en convergence de la demande et de l’offre totale dans l’économie. Cette question de l’ajustement de l’offre et de la demande se posera de manière encore plus aiguë dans la reconstruction des systèmes énergétiques. On sait que pour sauver le climat, il faudra décarboner et donc désinvestir du secteur des énergies fossiles pour investir massivement dans les autres énergies. Mais à quel rythme et qu’adviendra-t-il alors sur les marchés de ces énergies fossiles ? Et si l’économie doit assurer l’ajustement de l’offre et de la demande globale et sectorielle, elle devra aussi s’attaquer au défi d’assurer de manière durable le nombre nécessaire d’emplois décents, en quantité et en qualité. Et cela dans un monde qui sera traversé par de véritables lames de fond.

A titre d’exemple, la pandémie actuelle a remis en pleine lumière l’importance des emplois du soin et des services à la personne, ainsi que ceux des commerces essentiels et de la logistique. Nul doute qu’il faudra reconsidérer leur statut dans la société. Mais dans le même temps, comme le souligne l’économiste Daniel Cohen, les technologies numériques vont continuer à bouleverser les autres secteurs avec notamment plus de télétravail, mais aussi moins d’emplois de services à tâches répétitives (appelons cela le ‘’syndrome Amazon’’).

L’expérience vécue d’une forme de rationnement n’a que peu de chances de conduire à une rupture brutale vers plus de sobriété, alors que cette dernière semble pourtant indispensable d’un point de vue écologique. Le risque est qu’à la sortie de la crise, la consommation reparte comme avant, non seulement en raison d’un effet report (chez Tilt ideas, on l’appelle “effet bouchon de champagne”), mais aussi parce que le premier moteur économique de nos sociétés est celui de la consommation. Dans une société durable, il faudra consommer moins, mais investir plus pour des produits et une énergie de meilleure qualité, ce qui permettra de sauvegarder l’emploi.

For Good ? Oui si l’état de siège que nous venons de connaître ne se transforme pas en bunker. Après le choc de la crise, reconstruire une société plus durable ne pourra se faire qu’en imaginant des transitions progressives, certes les plus rapides possible, mais sans croire que le jour d’après sera tout de suite différent du monde d’avant : cela demandera un énorme effort collectif, rendu possible par l’inévitable réflexion sur le lien social et la coopération que la crise impose aux citoyens comme aux États. Autrement dit, un “déséquilibre utile”

Vous en voulez encore ? Rendez-vous cet après-midi à 17h30 pour assister à notre webconférence en partenariat avec Unknowns sur le thème de la santé.

Brice Auckenthaler, cofounder