Conseil en innovation stratégique

Tous tatoués, mais par qui?

 »Je me suis réapproprié mon corps »

Dans les entretiens menés par David Le Breton pour son enquête sur les marques corporelles, cette remarque revenait de façon quasi systématique. Si le tatouage plaît tant aujourd’hui c’est qu’il est perçu comme une façon de reprendre la main sur son corps, son  apparence, volée par les diktats de l’esthétique ambiants. Il s’inscrit dans la même logique que la tendance à la customisation des objets qui dure depuis déjà une dizaine d’années. Tout le monde veut customiser ses chaussures, son intérieur, ses vêtements etc. Mais la manière la plus radicale et intime de se singulariser c’est encore de signer son corps de sa propre patte créative.

La tendance assez paradoxale du tatouage (dans la mesure où le concept de mode, éphémère, s’oppose par essence à l’idée de marque perpétuelle) est symptomatique de la marchandisation du corps. D’abord superficiel, le marché de l’apparence se fait de plus en plus épidermique. Les cabinets de chirurgie esthétique fleurissent, tous les remaniements sont permis. Le corps est un accessoire comme un autre, un objet qui semble lui aussi de plus en plus soumis aux lois de l’obsolescence.

Le tatouage est devenu le nec plus ultra du personal branding, une marque indélébile qui affine le positionnement d’un individu. Equivalent en surface du positionnement que l’individu met déjà en scène sur les réseaux sociaux. Facebook, vitrine de notre vie sociale, Instagram, vitrine de notre sens de l’esthétique, LinkedIn, vitrine de notre vie professionnelle sont autant de mises en scène de nous-mêmes, de plateformes de personal branding. Et bientôt, chacun de nos tatouages pourra être intimement lié à ces différentes scènes : Motorala est en train d’étudier un système de verrouillage de ses téléphones grâce à des tatouages électroniques. Ces tatouages pourront prendre la forme désirée par l’utilisateur et fonctionneront comme sésame unique de son téléphone, sa tablette etc. Différentes parties de votre corps deviendront ainsi les clés d’entrée de vos vies virtuelles

Alors le tatouage, véritable acte créateur ou marque contrainte et fonctionnelle? Il faut bien dire que l’effet de mode que connait le tatouage actuellement entre en contradiction même avec les motivations des tatoués. Si tout le monde se fait tatouer, en quoi passer à l’acte est-il singularisant? Au rythme où se remplissent les tattoos parlors, d’anciens tatoués vont même jusqu’à se faire retirer leurs tatouages pour ne pas se retrouver assimilés à ce qu’ils perçoivent comme un conformisme lié à une classe d’âge, un diktat de la tendance.

‽ Dans marque il y a « marquer ». Que faîtes-vous pour « marquer » vos consommateurs, et surtout comment pourriez-vous marquer vos consommateurs au point qu’ils gravent votre nom dans leur peau?