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#Sociobang – L’animal à l’ère démocratique

Nos ancêtres ont toujours considéré les animaux comme des outils, des sources d’alimentation ou des bêtes sauvages dont il fallait se protéger, hormis le domaine littéraire où ils incarnaient des personnages de fiction anthropomorphes, d’Esope à La Fontaine, en passant par le Roman de Renart. A partir du XVIIIème siècle, cette exception commence à devenir la norme sous l’influence de l’école utilitariste qui voyait les animaux comme des êtres sensibles, c’est-à-dire capables d’éprouver du plaisir et de la douleur. En effet, à côté de cet argument philosophique, la science n’a eu de cesse de rapprocher insensiblement les animaux des hommes, depuis les théories sur l’évolution de Darwin au milieu du XIXème siècle jusqu’aux études de 2005 qui ont démontré que l’homme et le chimpanzé partagent 99% de leur séquence ADN. D’ailleurs, depuis sa réouverture l’année dernière, le Zoo de Vincennes ne parle plus que des « individus » qu’il présente au public. Enfin, l’argument juridique tend également à anthropomorphiser l’animal : une Déclaration universelle des droits de l’animal a été publiée en 1978 et, cette année, l’Assemblée nationale l’a reconnu, dans le Code civil, comme un « être vivant doué de sensibilité », défini par sa valeur intrinsèque, et non plus comme un bien meuble.

Dans ce contexte, la culture populaire n’a de cesse de réverbérer ce nouveau statut de l’animal-semblable de l’homme : Snoopy a un comportement complètement humain (il marche sur deux pattes, pilote un avion, joue au hockey, etc.), Bambi n’est pas un faon mais un pauvre orphelin et l’Oliver Twist de Disney est un chaton. Dans la réalité, les chats et les chiens, qui sont devenues des « membres de la famille », ont des psychologues et suivent des régimes. Choupette, la chatte de Karl Lagerfeld, quant à elle, est un personnage médiatique et une business woman à la tête d’une fortune de plusieurs millions d’euros. Et que dire d’Orangina qui a créé les premiers animaux « sexy » ? Cette anthropomorphisme peut même aller jusqu’à l’antispécisme, cette doctrine qui refuse la notion d’espèce, donc jusqu’à l’indifférenciation. Ainsi, les NAC (Nouveaux Animaux de Compagnie), c’est-à-dire des animaux sauvages voire dangereux pour l’homme (iguanes, boas…), sont entrés dans les mœurs. De même, le véganisme procède de ce courant puisqu’il se place en empathie avec le règne animal et se refuse à exploiter tous ses produits.

Cette transformation de notre relation à l’animal met en lumière notre vision idéalisée d’animaux… dépourvus d’animalité. Autrement dit, la différence de nature entre l’homme (bipède, doté de raison, etc.) et l’animal (quadrupède, mu par des instincts, etc.) est gommée par la culture (la philosophie, les lois, la science). Si cette évolution est à rapprocher de nos modes de vie urbanisés et coupés de la nature, elle procède aussi d’un refus de la violence caractéristique d’une société qui tend à un bonheur sans heurts (Philippe Ariès, 1975) et ne peut donc qu’ignorer la bestialité. Plus généralement, cet irénisme s’inscrit dans l’idéal démocratique de notre époque qui ne tolère ni hiérarchie, ni inégalités, ni même différences – ce qui n’est pas sans rappeler l’indifférenciation portée aux nues par la théorie du genre qui, elle aussi, ignore la nature.

‽ Rapporté au marketing, cette évolution du statut de l’animal représente une opportunité pour les entreprises. Si vous devez innover dans ce secteur, une technique d’approche pourrait être d’envisager l’animal comme un client « normal ».