Conseil en innovation stratégique

#Sociobang – Pour le meilleur (et juste pour le meilleur)

Sorry, this entry is only available in French. For the sake of viewer convenience, the content is shown below in the alternative language. You may click the link to switch the active language.

Avec l’été, arrive la saison des barbecues, de la plage… et des cérémonies de mariages, grands jalons sociaux des mois de juillet et d’août. Il y a une quarantaine d’années, celles-ci étaient bien plus modestes, les invités moins nombreux, le budget plus serré. Elles ont en effet beaucoup évolué depuis : avec l’essor de tous les métiers du coaching (wedding planners, coachs décos, de danse…), le mariage, de sacrement, est devenu consacré par la Fête. Là où Dieu et la Loi marquaient auparavant un engagement, il est aujourd’hui avant tout un événement. En ce sens, il reflète le recul du sacré, la déconsidération du juridique et l’incapacité de l’individu à se projeter dans le temps long, mais aussi le règne sans partage de l’Homo Festivus de Philippe Muray et la dictature du présent. A une époque où un couple sur deux est condamné statistiquement au divorce, le temps long, dans lequel s’inscrit le mariage historiquement et culturellement, s’est petit à petit racorni au point de correspondre quasi exactement à l’horizon… d’une seule soirée. En tant que telle, cette soirée est moins le commencement d’une vie de couple reconnue par le religieux et le juridique qu’un aboutissement en soi, une expérience de quelques heures, à vivre « au moins une fois dans sa vie », au même titre qu’un saut en parachute ou un dîner chez un chef étoilé.

Expérience limitée dans le temps, moment unique, acmé de la relation de couple, le mariage se doit donc d’être parfait. Il est une fête certes, mais une fête qui n’est pas du tout spontanée : au contraire, elle est totalement millimétrée et orchestrée. Sous l’influence de l’impératif de performance, issu de la pensée capitaliste et qui infuse tous les domaines de la vie, le mariage participe, de cette « esthétisation du monde », dont parle Gilles Lipovetsky et selon laquelle la créativité et l’art imprègnent l’ensemble du quotidien. En d’autres mots, l’inflation du moment compense la déflation du mariage. Les traiteurs ne sont plus des traiteurs, mais des « stylistes culinaires », à l’image de Marie Chemorin qui met en scène ses « créations culinaires » dans des décors censés refléter la personnalité du couple. La cérémonie religieuse, jadis cruciale, est devenue un motif décoratif compensant la pauvreté esthétique du mariage civil. Les mariages sont thématisés, avec des mets, des décors, voire des vêtements spécifiques – et ce quelle que soit la catégorie sociale : mariages « Pirates », « Salon de Thé », « Fuchsia », « Noir et Blanc »… L’émission « Quatre mariages pour une lune de miel » est le symbole de cette quête de perfection puisque les participants doivent organiser le plus beau mariage pour gagner.

En tant qu’œuvre d’art totale (décoration, mode, musique, danse, gastronomie) et parfaite, le mariage devient une vitrine du couple, un acte de « consommation ostentatoire » telle que définie par Thorstein Veblen. Le terroir choisi (mariage en Bourgogne ou dans le Périgord ?), les animations pratiquées (diaporama ou blagues grivoises ?), le thème illustré (champêtre ?), la manière de servir le repas (des bars à tapas ou un dîner placé ?), bref tous les détails, sans exception, de la fête, sont les signes de la catégorie socioculturelle à laquelle le couple veut s’affilier.

Expérience parfaite, la manière de se marier aujourd’hui est le reflet de notre présentéisme forcené, de notre culte de la performance et de notre vénération de la mise en scène. On peut se demander si cet esthétisme et ce perfectionnisme ne sont pas, aussi, une manière de conjurer la barbarie du réel. Car, le lendemain de la fête, le temps vrai reprendra son cours et, chaque jour, le marié pourra se demander : « Ferai-je partie des 50% de couples qui divorcent ? » La cérémonie vécue agira alors comme un geste prophylactique, comme si la démesure de la fête allait contrecarrer la fragilité de l’engagement.

‽ Chaque moment de la vie quotidienne est aujourd’hui l’occasion de créer un moment parfait à partager avec ses pairs. Votre offre de produit ou de service, au-delà de sa raison d’être première, satisfait-elle à ces exigences ?