Conseil en innovation stratégique

L’IA c’est cool ?

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En cet An 2000DixNeuf, nous fêtons les 50 ans d’Arpanet, ancêtre d’internet.

En 1969, en effet, le premier message sur Arpanet s’est arrêté après que deux lettres seulement ont été envoyées – un « L » et un « O ». Non pas le L et le O de COOL, mais ceux du mot « login ».

Ses géniteurs avaient-ils bien compris que cette tentative changerait la façon dont le monde se connecte, communique… et annoncerait l’Intelligence Artificielle et ses algorithmes ?

C’est une bonne illustration de l’innovation de rupture: elle ne se révèle qu’après coup, elle n’est pas préméditée (faites l’essai, demandez à vos collaborateurs de créer une rupture, vous allez voir le petit moment de panique…). C’est une belle illustration également des idées reçues liées à une innovation.

Un an après l’annonce du plan Intelligence Artificielle par Emmanuel Macron au Collège de France (accompagné des recommandations du rapport “AI for Humanity” de Cédric Villani et son équipe), et une semaine après les débats organisés par Marie-Hélène Cossé à la Fondation Suez auxquels Tilt ideas a contribué, nous souhaitions faire le point sur la palanquée d’idées reçues entourant l’IA.

“L’IA, c’est de l’Intelligence Artificielle”

Bien nommer, souvent, cela rassure. Cette Boite Noire fantasmagorique qu’est l´IA est un acronyme erroné : il n’y a pas plus d’Intelligence’’ dans l’IA que de beurre en branche, mais plutôt de l’interprétation puissance 10 (cf. les machine learning, deep learning, google home et autres chatbots). Et ce n’est pas non plus “Artificiel” puisque c’est un service très concret (ex : les systèmes de prédiction pour les assureurs). Avec l’IA, il y a donc eu dès le départ une mauvaise interprétation sémantique, d’où panique à bord chez les plus paranos d’entre nous.. Chez Tilt ideas, nous pensons que les initiales mériteraient plutôt de signifier “Interprétation Automatisée”. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. L’IA interprète une masse gigantesque d’infos, mais elle ne fait qu’interpréter. L’analyse, la vraie, c’est nous qui continuerons à la faire. Avec éventuellement nos mauvaises interprétations émotionnelles 😊

“L’IA, c’est du transhumanisme”

Le gros mot est lâché. L’IA demain ce serait l’hybridation homme-machine. Ben non, car faut-il le rappeler, contrairement à ce que vous pensez, un cerveau, ce n’est pas un super-ordinateur. Ainsi, notre cerveau cherche spontanément une explication, tandis qu’un système IA s’en passe sans difficulté. L’IA apprend puis imite ce qu’elle a appris. Par exemple, un agent conversationnel étudie un grand volume de conversations humaines puis optimise les réponses qu’elle donne à l’utilisateur. Inévitablement, la valeur de vérité que reproduit  l’IA ne peut être que de nature humaine. Au mieux, avec l’IA, nous serons des hommes augmentés … car diminués de tâches que l’IA fera beaucoup plus vite et en plus grande quantité que nous. Par contre, le risque c’est que l’IA amplifie les biais actuels de notre société. Exemple avec la parité : l’IA, comme encore beaucoup de sciences, sous-valorise les femmes (d’après la fondation Women in Science de L’Oréal, il y a seulement 22% de femmes dans l’IA vs 29% dans l’ensemble des matières scientifiques). 80% des concepteurs sont des hommes… et 80% des machines liées à l’IA ont des noms de femmes… CQFD. Autre biais : l’émotion. La machine n’est peut-être pas intelligente, mais elle sait très bien détecter chez nous nos biais émotionnels. D’où ce qui suit.

“L’IA, va nous manipuler”

(variante : “avec l’IA, on va baisser la garde à force de tout lui déléguer”). Non plus, car l’IA ne connaît et ne comprend pas le concept de vérité. L’IA, c’est seulement la capacité à transférer et automatiser certaines capacités humaines vers la machine (ex : la reconnaissance d’images, le traitement automatique du langage, la synthèse vocale, l’analyse prédictive…). L’IA ce n’est que de la technique, et les technologies sont conçues par et pour la société. Parmi le peu de choses qui sont spécifiques à l’humanité, il y a le fait de développer des objets techniques. Grâce à l’IA, nous, humains, accédons à l’Autonomie Libérée. Bien maîtriser l’IA, c’est du cruise control, comme pour une boîte automatique (on reprend le contrôle quand il le faut) . L’IA c’est de la technique autour de datas souvent sensibles, il faudra donc que la technique reste sous l’apanage et le contrôle des humains (voir la voiture autonome hackée récemment par un humain avec un simple iPhone, ou les process de sécurité nationale dont il faudrait déroger si besoin cf. le film “Chant du Loup”). Si le code, c’est la loi, et si la loi c’est le pouvoir,  il faudra que des comités d’éthiques sectoriels se penchent sur ce sujet partout dans le monde (intégrant humains et… IA). Tilt ideas est convaincu que, demain, quand digital et IA seront partout dans nos vies, siégera au Comex des entreprises un directeur de l’éthique, sorte de juriste++, constructif et tombé dans la marmite de l’innovation.

“L’IA c’est l’apanage des seuls informaticiens”

Non plus. L’IA, en fait, c’est un langage, comme celui du Fortran ou des mathématiques. Pour pratiquer ce langage et le comprendre, il faut de la pédagogie. L’acceptabilité sociale de l’IA ne peut se jouer que sur la confiance . Comme L’IA est un langage fait d’algorithmes (reportez-vous au film “Her”…), il faut donc l’appréhender correctement pour ne pas … l’appréhender. Simple. Education, pédagogie et codage dès le plus jeune âge seront essentiels pour éviter l’exclusion et fracture numérique. Nous y revenons ci-dessous.

“L’IA va nous noyer d’infos…”

Pas faux, pas cool. Mais cela cache un autre vrai problème. La rapidité avec laquelle Internet, les mobiles ou les smartphones ont su s’imposer dans nos usages est assez vertigineuse. Ce qui avait mis quarante ans à se déployer aux États-Unis pour atteindre une masse critique d’utilisateurs de téléphones fixes aura été atteint en moins de trois ans pour ce qui concerne les smartphones. Cette transformation a engendré un décrochage d’une partie de la population. Ainsi, c’est près d’un quart des Français qui éprouveraient des difficultés majeures dans l’usage même d’Internet. Ce phénomène, regroupé sous le terme d’”illectronisme”, touche principalement les personnes les plus âgées, mais pas que. Ce malaise persistant dans l’appropriation même du numérique s’accompagne d’une fracture inverse – l’addiction – dans le rapport qu’entretient aujourd’hui une autre partie de nos concitoyens avec les nouvelles technologies. Avec l’IA, ce phénomène de fracture pourrait s’accentuer dans l’usage, qu’il en soit maîtrisé ou au contraire immodéré. Conséquence : l’IA, c’est potentiellement de l’Infobésité Accrue. Elle se nourrit d’elle-même, toute information générant des questions sans fin et donc de nouvelles informations, rendant impossible leur traitement. Elle est alors un frein à l’action, en noyant les informations utiles.

“L’IA, c’est l’or noir du 3ème millénaire”

N’ayons pas peur des concepts. Certes plus d’un milliard € ont été investis en France depuis 2015 sur l’IA, la Commission européenne prévoit 20 milliards € par an d’investissements dans l’IA d’ici 2030, et l’Europe publie plus d’articles sur l’IA que la Chine et les USA. Mais on est peut être au « 3ème hiver de l’IA » (dixit Luc Julia co-créateur de Siri d’Apple et auteur de : ‘’l’IA n’existe pas’’ – First édit 2019). Après les années 70 puis la fin des années 80 où l’IA a déçu, l’enjeu de l’IA aujourd’hui c’est le scale-up via la démocratisation dans les objets du quotidien (cf. l’Internet of Things).

Plus les machines auront de la mémoire (elles seront imbattables sur la masse d’infos traitées et leur vitesse de traitement), moins nous en aurons.

Donc, plus l’IA va se développer, plus il faudra garder la patte humaine, car rien ne remplacera le regard sensible d’un humain sur un autre. E nous ne serons jamais aussi humains que lorsque nous écrivons un programme pour qu’il soit exécuté par un objet technique…

‽ Vous voyez d’autres idées reçues ? N’hésitez pas à réagir, nous en serions très heureux. Alors l’IA, cool ou pas cool ? Question d’idées reçues…

Brice Auckenthaler, associé (avec l’aide de mes IA préférées : Cédric Villani, Luc Julia, Laurence Devillers “Des robots et des hommes“, Catherine Vidal “Nos Cerveaux resteront-ils Humains”)